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La reproduction du cobaye

 

 

 

Table des matières

 

 

Par Samuel BOUCHER

Les personnes qui s'intéressent au Cochon d'Inde en France sont de plus en plus nombreuses à l'heure actuelle et nous ne pouvons que nous en réjouir. Toutefois, comme je le constate souvent au sujet des lapins (mais aussi pour de nombreuses espèces domestiques), les éleveurs sont peu informés sur le comportement de leurs animaux et, de ce fait, ont parfois des difficultés à interpréter les " faits et gestes " de leurs protégés. Or. des scientifiques - les éthologistes - étudient le comportement des animaux afin de comprendre le message qu'il révéle et peuvent nous aider à combler nos lacunes en ce domaine. Aussi, allons-nous, au cours d'une série d'articles, nous attacher à comprendre, ensemble, le comportement du Cobaye domestique (Cavia porcellus) afin de mieux l'élever. Toutefois, il faut rendre à César ce qui appartient à César, aussi, si une grande partie de mes écrits portent sur des observations personnelles, je dois préciser que certaines données ont, entre autres, été empruntées à trois chercheurs français nommés Allarousse. Coulon et Gouat dont les études comportementales sur le Cobaye sont remarquables.

La première partie de ces articles portera sur le comportement reproducteur de Cavia porcellus. comportement que tout éleveur sélectionneur doit connaître. Par la suite, la Revue avicole vous proposera de comprendre le répertoire sonore (le langage en quelque sorte) de notre rongeur avant d'aborder le comportement du Cobaye solitaire puis d'appréhender la structure du groupe social. Ce découpage. très arbitraire. devrait permettre aux éleveurs de puiser quelques éléments dans le texte afin de revoir et d'améliorer les structures de leurs élevages si besoin est.

 

 

 

 

Le comportement reproducteur de Cavia Porcellus

 

 

Avant propos :

Tous les lecteurs ne sont pas " caviculteurs " et il est sans doute nécessaire, avant d'aborder vraiment le comportement reproducteur du Cobaye, de rappeler quelques notions concernant la physiologie de la reproduction de ce rongeur.

Physiologie de la reproduction :

Avant toute chose, il convient de savoir reconnaître un Cobaye mâle d'un Cobaye femelle. Il n'y a rien de plus facile puisque la seule observation visuelle du bas-ventre nous renseigne à ce sujet. Ainsi, la zone anogénitale du mâle a la forme d'un 0. celle de la femelle ressemble à un Y. En outre, les tétines sont petites chez le mâle et plus allongées ( l cm) chez la femelle adulte. Par ailleurs, le mâle. même en l'absence de femelle, présente parfois un comportement de parade sexuelle très caractéristique en adoptant une démarche lente tout en se dandinant sur les pattes arrières et en émettant une sorte de ronronnement rauque et rythmé dont nous reparlerons plus loin.

D'autre part. on considère qu'une femelle peut être pubère au plus tôt à l'âge de trente jours et en moyenne vers soixante-sept jours. En revanche, les mâles ne seront pas aptes à reproduire avant l'âge de soixante-dix jours environ. Bien entendu, comme pour tous les autres animaux, et même si des exceptions existent, il serait ridicule, voire dangereux de faire commencer la carrière reproductrice de nos animaux à ces âges puisque leur croissance est loin d'être terminée.

Enfin, il faut signaler que la fréquence de l'œstrus (ou la fréquence de réapparition des chaleurs) est de quinze à dix-sept jours. Par ailleurs, la durée' de la période où la femelle est fécondable n'est que de vingt heures. L'œstrus reprend, après une gestation, dés que les placentas ont été expulsés à peu près quinze heures après la mise bas. Entre chaque période où la fécondation est possible, une membrane épithéliale obstrue le vagin. Elle disparaît puis se reforme en quelques jours lors des périodes de réceptivité ou de mise bas. Il est à noter que l'ovulation est spontanée et non provoquée (par l'accouplement) comme chez le lapin. En outre, on a remarqué que certaines femelles élevées ensemble avaient tendance à synchroniser leurs cycles ovariens. Ceci est dû à la présence de substances contenues dans les urines de femelles " en chaleur " qui permettent aux autres de réduire l'intervalle entre deux œstrus en provoquant chez elles les chaleurs un peu plus tôt que prévu.

Lorsqu'il y a eu fécondation, un " bouchon de copulation " se forme, comme pour de nombreux rongeurs. Chez le Cobaye, il résulte de la coagulation du liquide séminal et empêche d'éventuelles pertes de semence ce qui optimise le taux de fécondation après accouplement. Il est expulsé peu après.

Quant à la gestation, elle dure de cinquante-neuf à soixante-douze jours, en moyenne, soixante-huit jours. Si la parturition n'a pas lieu dans cet intervalle, il faut intervenir en faisant une injection qui provoque la mise bas et le risque d'obtenir des mort-nés est grand.

La femelle donne en moyenne trois petits (les extrêmes étant de un à neuf). Ils naissent déjà bien formés au point que quelques heures après leur naissance, ils peuvent déjà grignoter quelques brins d'herbe. Leurs mouvements sont assez bien coordonnés. Toutefois, ils ont besoin du lait de leur mère pour se développer correctement et si un accident survenait, il faudrait faire adopter le jeune à une autre mère (ce qui est extrêmement facile) ou le nourrir au biberon encore quelques temps.

Ces quelques rappels sur la physiologie du Cochon d'Inde étant faits, nous allons aborder le comportement reproducteur de notre animal.

Le comportement reproducteur proprement dit

Avant toute chose, le mâle fait sa cour à la femelle. Il est à noter que les jeunes mâles peuvent adopter ce comportement dés l'âge de cinq jours. En effet, on pense que ces gestes ont un rôle éducatif. Ainsi, les jeunes ayant appris à se comporter de bonne heure comme leurs aines sauront reproduire, une fois adultes, des comportements sociaux à la signification bien précise au sein même de l'espèce. Ils sont indispensables à sa survie puisqu'ils permettent la reproduction des individus à l'intérieur de la population.

Donc. lorsqu'il fait sa cour. le mâle adopte une démarche raide caractéristique : tout en tendant la tête vers l'avant, il marche à petits pas. très lentement, et dandine de l'arrière train, reposant lentement une de ses pattes postérieures pendant que l'autre reste en l'air et réciproquement. Il faut noter que notre rongeur prend un air grave dans ces moments et semble très concentré au point que, s'il est dérangé, il réagira avec quelques secondes de retard. Dans le même temps, il émet un cri dit " sexuel " rythmiquement dont nous reparlerons plus loin. Bien entendu, comme chez la plupart des mammifères. des odeurs sont émises. Elles sont pour nos narines relativement discrètes mais ne laissent pas la femelle insensible. A cette fin, le mâle voit son arrière train se transformer, le scrotum (ou bourse) se fait plus lâche et descend ce qui entraîne le démasquage des glandes péri anales qui apparaissent nettement. Elles sont de couleur rosée. Le mâle peut alors frotter son arrière-train sur le sol et laisser ainsi une trace odorante.

Si, dans le cas le plus courant, ce sont les mâles dominants qui adoptent ce comportement en présence d'une femelle en œstrus. il n'est pas rare de voir une femelle agir dans la même façon si elle est en chaleur, en présence d'autres femelles, et notamment si aucun mâle ne la côtoie.

Par ailleurs, ce comportement est adopté par tous les mâles, de façon plus ou moins prononcée, en présence de nouveaux congénères, quels qu'ils soient. Nous en reparlerons dans le dernier article de cette série consacrée au Cobaye.

Par la suite, tout comme le fait la femelle avec ses petits, le mâle va sentir la zone ano-génitale de sa compagne à l'aide de ses lèvres. La femelle se prête à ce comportement de reconnaissance quelques instants puis s'enfuit. Le mâle la poursuit puis recommence son exploration. Parfois, il continue sa course en gardant le menton posé sur le croupe de la femelle et pousse des cris sexuels. Ce comportement à l'égard d'un autre mâle souligne la dominance du poursuivant face au poursuivi.

Si la femelle s'approche en abordant le mâle par le côté, ce dernier peut projeter latéralement sa croupe en démasquant ses glandes péri anales. ce comportement, qui est souvent accompagné de l'émission de quelques gouttes d'urine, peut apparaître lors de contacts non sexuels au sein du groupe.

Mais. dans le cas où la femelle est prête à être saillie, elle adopte une position dite en lordose en raidissant les membres postérieurs et en relevant le croupe. La vulve est alors dilatée et ouverte (la membrane épithéliale a disparu). On notera que les jeunes peuvent adopter cette position lors du léchage par la mère qui semble là aussi avoir un rôle éducatif encore mal décrit.

Puis aura lieu la monte proprement dite. Chez de jeunes sujets, elle peut - tout comme pour le lapin - être mal orientée (latéralement ou à l'avant). La monte normale, en posture postérieure, s'accompagne de poussées pelviennes rapides (cinq à six secondes) et précède l'intromission qui est accompagnées de poussées profondes et lentes (une à deux secondes). Une poussée pelvienne profonde et marquée accompagnée d'un creusement des flancs du mâle caractérise l'éjaculation.

Si la Femelle n'est pas réceptive, elle peut effectuer des ruades destinées à repousser le mâle trop entreprenant. Elle peut, en outre, élever sa région périnéale et projeter, en position de lordose, un jet d'urine en direction du prétendant. Ce geste le trouble. Il s'arrête alors pour se nettoyer et flairer les traces sur le sol avant de reprendre sa cour. La femelle a alors eu le temps de " reprendre ses esprits " et souvent de s'éloigner.

Cette séquence relativement longue du comportement du Cobaye est réalisée complètement six fois en moyenne lors d'une période d'accouplement, depuis le flairage jusqu'à la monte.

Le comportement de la femelle après saillie

La femelle gestante n'adopte pas de comportement très particulier dû à son état. Elle tolère la présence du mâle à ses côtés, celui-ci ne cherchant que rarement à parader. Elle sait en outre, comme nous le verrons plus loin. fort bien le repousser.

La seule différence notable - et qui se comprend aisément- est sa capacité à dormir d'un sommeil profond durant la journée et ce de plus en plus au fur et à mesure que la parturition approche. Certaines femelles qui portent de nombreux jeunes ne se déplacent plus. les derniers jours de la gestation, que pour aller boire et manger. Leur ventre traîne par terre. Il a souvent doublé de volume (chaque jeune pèse environ cent grammes et a. à la naissance, la taille d'un beau hamster doré adulte). Parfois, on peut voir les petits s'agiter au travers des mouvements de la peau des flancs de leur mère. Un œil exercé peut même distinguer la tête des membres et observer les mouvements des petites mâchoires qui. rappelons-le. sont déjà pourvues de dents avant la naissance.

Lorsque la femelle veut mettre bas. elle s'isole et s'installe dans un coin de la cage. On aura auparavant remarqué des contractions. Puis la parturition ne va pas tarder à arriver. Certains éleveurs affirment que les primipares mettent bas le jour et les multipares la nuit. Si, du point de vue de la statistique, cela demeure tout à fait vrai. je ne l'ai jamais, quant à moi. vérifié de manière aussi stricte et un manquement à cette " règle " ne doit pas affoler les éleveurs. En revanche, il est vrai que la parturition est très rapide puisqu'elle dure de dix à trente minutes et jamais plus d'une heure. L'intervalle moyen entre deux délivrances étant de sept minutes. Les petits naissent bien formés, poilus, les yeux ouverts, et capables de gambader dés leur première heure, même s'ils sont encore un peu maladroits au début. En outre, la mère lèche ses petits à la naissance et mange le placenta. Si la portée est nombreuse, il arrive que la mère n'ingère pas toutes les enveloppes. Dans la nature, ce comportement a pour but de ne pas laisser de trace qui pourrait attirer un prédateur après la mise bas. Il permet également à la mère de récupérer certaines substances qui lui sont nécessaires.

Ensuite, la femelle va allaiter ses jeunes et ce pendant au minimum quinze jours. Pour cela, elle tend ses membres antérieurs et incurve son abdomen de façon à ce que les mamelles touchent le sol. Les jeunes vont spontanément se diriger sous son ventre.

C'est en général à ce moment privilégié que la mère léche ses petits. En effet le léchage de la zone génitale est très important car, grâce à ce comportement, la femelle provoque la miction et la défécation de ses jeunes. L'élimination spontanée ne semble, en effet. apparaître qu'a partir de la quarante huitième heure après la naissance. Dans ces moments, le petit émet un cri caractéristique dont nous reparlerons et adopte une position de lordose qu'il abandonnera à l'âge de deux semaines.

Le sevrage peut s'effectuer dés le dix-huitième jour (ou un peu avant en cas de nécessité) mais. spontanément, la femelle éloigne ses petits lorsqu'ils ont de vingt-cinq à trente jours. C'est à cette époque qu'il convient de faire très attention car les jeunes a qui on refuse la tétée peuvent combler ce manque comportemental en mordillant les poils de la croupe de leur mère ou d autres congénères ce qui peut avoir de fâcheuses conséquences et tendre vers le cannibalisme si l'on n'y prend pas garde. Cette déviation du comportement peut persister au delà du sevrage si l'animal n'est pas éloigné rapidement de sa " proie ".

La reproduction du Cobaye domestique n'a désormais presque plus de secret pour vous. Mais les petits que vous venez de voir naître dans cet article vont grandir et leur comportement vu peu à peu se modifier pour tendre vers celui de l'adulte. Or. il n'en est pas moins passionnant à étudier et peut devenir la source de mille et une surprises pour qui sait observer patiemment. C'est pourquoi, dans les prochains mois, vous pourrez vous familiariser avec le répertoire sonore. le comportement solitaire et le comportement social de Cavia porcellus qui vous aideront à l'observer.

Reconnaissance des sexes

LE MALE

La vue externe de l'appareil génital a la forme d'un " 0 " Les bourses sont visibles chez les sujets adultes, les tétines sont très petites.

LA FEMELLE

La vue externe de l'appareil génital a la forme d'un " Y ". Les tétines mesurent presque un centimètre chez les sujets adultes.